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Télétravail : des risques bien réels à encadrer juridiquement

Travail et social - Travail et social
22/04/2025

Le télétravail s’est imposé comme une réalité durable dans le paysage professionnel français. En 2019, seuls 4 % des salariés y avaient recours ; en 2024, ils sont 22 % dans le secteur privé à télétravailler au moins une fois par mois. Cette progression spectaculaire a été accompagnée d’une reconnaissance juridique, notamment à travers l’intégration du télétravail au Code du travail, au sein des dispositions relatives à l’exécution du contrat de travail (C. trav., art. L. 1222-9).

Cependant, cette évolution s’accompagne de risques psychosociaux et physiques non négligeables. Une étude de la Dares publiée en mars 2025 met en lumière ces effets parfois insidieux.

Isolement, pression et surcharge mentale

La distance avec la hiérarchie et les collègues peut induire une perte de lien social, un manque de directives claires, et un sentiment d’isolement. La nécessité de prouver sa productivité accentue la pression, favorise une forme de "télépression" et pousse certains salariés à rester connectés en permanence, brouillant les frontières entre vie privée et professionnelle.

Le temps de travail s’étire, notamment du fait de la réduction des temps de pause ou de transport. La gestion de la charge devient plus complexe, et les télétravailleurs peuvent être tentés de travailler même en cas de maladie, ce qui renforce une forme de présentéisme numérique.

Un impact différencié selon le genre

L’étude souligne également les inégalités de genre, notamment en matière de répartition des tâches domestiques. Les femmes sont plus nombreuses à télétravailler que les hommes, et cette situation tend à renforcer des charges domestiques déjà déséquilibrées. La Dares alerte aussi sur un risque accru de violences intrafamiliales, du fait de la promiscuité imposée par le télétravail.

Une obligation de sécurité renforcée pour l’employeur

Du point de vue juridique, l’obligation de sécurité de l’employeur reste pleinement applicable en télétravail (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2). Cela implique de prévenir les risques physiques (troubles musculo-squelettiques, sédentarité…) comme les risques psychiques. Bien que l’employeur ne puisse intervenir directement dans la sphère privée du salarié, il lui revient de prendre toutes les mesures nécessaires, dans les limites du respect de la vie privée.

La jurisprudence confirme que l’accident survenu au domicile pendant les heures de télétravail peut être qualifié d’accident du travail, sous réserve que le lien avec l’activité professionnelle soit établi.

En définitive, le télétravail ne saurait être perçu comme une solution légère et sans conséquence. Il s’agit d’un mode d’organisation du travail à part entière, qui appelle à la vigilance tant du côté des salariés que des employeurs. La liberté apparente du travail à domicile masque des enjeux juridiques et sociaux majeurs, qui doivent être encadrés avec rigueur.